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    La vieille maison d'autrefois

     

    Que j'aime la vieille maison d'autrefois! C'est une maison qui est toujours debout: fière de son passé glorieux car elle a connut plus de choses que je ne pourrais en vivre. Pour être tout à fait exacte, c'est un corps de ferme qui est née au dix huitième siècle. Elle a été baptisée : "La Ferme Quéran". Il est vrai qu'elle à fait son temps! Il est vrai aussi que son corps ne tient plus. Il est fatigué, mais je ne peux pas m'empêcher d'aller la voir quelques fois. Que j'aime la vieille maison d'autre fois! Elle est si belle, si pleine d'histoires!...

    Ses murs sont tristes et pleurent souvent de n'être plus, comme autrefois, témoins de bien des rires d'enfants.Tout est silencieux en hiver. Les yeux de la maison sont clos. Elle est là, triste et solitaire en attendant des jours plus beaux. On la rejette pour d'autres lieux qui sembles plus accueillants qu'elle. Même ses meubles sont malheureux! Tout en elle se fige et se gèle. Elle n'est plus qu'un havre en été. C'est seulement là qu'elle se sent bien de voir tout ce monde arriver pour réveiller ses murs anciens.

    Pour la faire vivre encore un peu, on la soutient, on la transforme et on lui modifie ses formes. On essaie de la rendre actuelle, de lui redonner sa jeunesse; mais malgré toutes les tentatives, elle garde son esprit d'antan...

    Un jour, peut-être, on la vendra. Cette résidence centenaire ne reconnaîtra plus les siens et bien tristes seront ses pierres. Des étrangers la visiteront, la choisiront pour en faire leur maison d'été. Se souciant peu de son passé, ils essaieront encore une fois de la changer. Elle souffrira, moi je le sais, d'être étrangère où elle est née. Son âme fière des jours glorieux recherchera encore un peu, l'amitié d'un jeune cœur vaillant, amoureux des vieilles pierres d'antan.

    Pourtant, je sais une maman qui aime tant sa vieille maison! Pour rien au monde elle ne voudrait s'en séparer! Elle y est née pour y grandir et pour vivre sa vie d'enfant, de jeune fille et puis d'épouse. Elle l'aime tant sa chère maison qui prend soins de ses souvenirs! Pour elle, c'est un cocon d'amour, un havre de paix, un immense nid qui la réchauffe à l'intérieur.

    Lire au coin du feu, regarder les albums photos, simplement penser à tous ce qui fut sa vie et dont elle ne veut pas se séparer. Elle désirerait tant finir ses jours ici, dans sa maison, avec ce qui la pousse à vivre. Elle veut simplement s'endormir dans son lit: le même lit ou elle fut jadis aimé et ou elle a donné la vie.

    Elle se revoie jouant, riant avec ses cousins d’Orléans. Jeune fille belle et avenante, elle n'était pas en mal de courtisans! Ses amours de jeunesse se disputaient souvent sa main pour l'emmener danser au bal. La tendresse de ses parents, l'amour de ses grand-parents lui tenait chaud au cœur et les années de sa jeunesse furent les plus heureuses de sa vie.

    Un jour, elle rencontra un beau jeune homme qui lui prit toutes ses pensées et son cœur. Le jeune Armant devint son bien aimé. Après de longues fiançailles, elle épousa son grand amour avec l’accord de ses parents, L'assentiment des beaux-parents et la bénédiction de Dieu. La maison abritait le bonheur. La maison respirait le bonheur et tranquilles s'écoulaient les heures...

    "Je t'aime!" Murmurait souvent Armand. Elle se blottissais alors contre lui et de cette union heureuse naquit deux filles et un garçon. C'est dans cette maison qui, au fils des ans, par la force des choses, est devenu la sienne qu'elle mis au monde ses enfants.

    C'est aussi, de sa chère maison,qu'elle vît partir pour la guerre son Armand. Les allemands lui ont pris son unique amour. Ils ont brisés son cœur et à jamais volé son bonheur.

    Au coin du feu, les soirs d'hivers, elle pense à son bien aimé, se disant que s'il avait vécu, il serait revenu pour enfin la serrer dans ses bras et l'embrasser à l'étouffer, mais les jours se sont succèdés sans aucune nouvelle de lui. Elle attendit en vain son retour. Armand, plus jamais ne revînt.Un télégramme laconique de l'armée française l'informât, sans plus de détail, de la disparition de son époux. Elle pensât à ses enfants qui ne reverrait plus jamais leur père. Elle se dit que jamais plus, non plus, elle ne dormirait au creux de ses bras. Des larmes de tristesse coulèrent sur ses joues qu'elle cachât pudiquement dans le refuge de leur chambre ou son odeur était encore tenace et ou ses souvenirs lui rappelaient son tendre époux. Depuis qu'il s'en était allé vers d'autres horizons, la maison était triste sans lui. Les années défilaient avec obstination. Les parents déjà vieux se sentaient fatigués et les grand-parents qu'elle aimait tant avaient, eux aussi, déserté la maison familiale. Ses aînés s'en étaient allés vers d'autres lieux pour un endroit où l'on ne sait plus qui l'on est et d'où l'on vient: cette autre rive; l'autre côté du miroir, là d’où personne ne revient...

    Des générations se sont succédées bien avant ses grands-parents et ses parents. Puis ses parents, l'un après l'autre, se suivant de très près, s'en sont allés à leur tour et lui ont laissé la maison pour qu'elles se protègent mutuellement. Quelques années encore se sont écoulées et ses enfants se sont mariés. Tant de souffrance et de solitude pour une vie si bien commencée...

    A présent, la maison de ses ancêtres est son domaine et sa mémoire vive. De son vivant, jamais personne ne la vendra! Cette vieille maison est la sienne. C'est là où elle ressent la vie. La maison et elle se comprennent: elles s'aiment comme deux grandes amies.

     

    N. GHIS. Texte écrit en 1982.

     

     

    Auteur: Ghislaine Nicolas d'où mon pseudo N. GHIS.

     


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