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    Anne-Lise

      

    Proverbe du jour

    "Comme on fait son lit, on se couche"

    La vielle fille - fiction



    Anne-Lise 

     

    Des cheveux ondulés, enneigés et soyeux, encadrant un visage où perle la tristesse, une vie monotone n'ayant pour seule richesse que les services rendus et les prières à Dieu. Tous les matins, à l'aube, elle s'en va à l'église pour changer l'eau des vases et remettre des fleurs. C'est un joli prénom que celui d'Anne-Lise! Peut-être un peu vieillot; mais si plein de douceur. Par habitude, elle reste à la messe de sept heure, fait toutes ses prières, examine son cœur, puis elle remet en ordre ses idées.

    Le dimanche, c'est elle qui joue de l'harmonium et monsieur le curé la tient en grande estime! Pour être aimée de tous, elle fait le maximum même si c'est pour rien que bien souvent elle s'escrime. A la sortie du culte, lorsque sonne midi, quand les groupes se forment afin de converser, elle s'éclipse sans bruit pour ne pas déranger, comme pour s'excuser d'être une vieille fille. C'est une fois chez elle qu'elle découvre le vide qui emplit sa demeure aussi vide que son cœur. Là, elle fait sans tricher, le bilan de ses rides et elle comptabilise une à une ses erreurs.

    Il ne lui reste rien de sa belle jeunesse lorsqu’elle éconduisait les garçons de son âge qui se glissaient souvent derrière à la messe pour toucher ses cheveux et frôler son corsage. Ils se pâmaient d'amour tandis qu'elle s'en fichait. Elle pensait à l'époque avoir assez de temps pour distinguer du nombre de ses soupirants celui qui saurait être l'élu qu'elle aimerait ; mais elle n'a pas su et le temps est passé. A présent, c'est trop tard. Elle trompe son ennui en se faisant du thé au citron parfumé qu'elle consomme lentement grignotant des biscuits.

    Le bonheur qu'elle avait à portée de son cœur lorsque de beaux jeunes hommes lui faisaient la cour, qu'ils la couvaient des yeux leur cœur emplie d'amour, lui récitant des vers d'une voix langoureuse. Pourquoi les refuser en faisant la coquette? Pourquoi les faire souffrir en les rendant jaloux? Pourquoi d'un air hautain, ébrouant ses froues-froues, de voir leur mine défaite, s'en allait-elle rieuse en leurs lançant de loin:

    -"Mon cœur n'est pas pour vous! Il sera pour celui qui saura le gagner!"

    Admirée, adulée de tous, elle aimait les hommages et elle s'en amusait la jeune écervelée! Mais à force de Jouer, de rire de ses soupirants, s'est flétrie sa beauté et tous ses prétendant, d'elle se sont détournés.

    L'on dit bien souvent que "l'herbe est bien plus verte ailleurs." Las de ses minauderies, ils sont parti vers des promesses meilleurs: Vers d'autres jeunes filles peut-être moins gracieuses; mais tellement plus avenantes... Ils s'en sont allés vers le printemps de la jeunesse et des jeunes filles en fleur qui brillaient par l'attrait de leur vingt ans.

    - Jeunes filles vaniteuses de votre beauté! Prenez garde qu'un jour, pour vous, la cloche sonne! Car le temps passe et lasse le plus fervent des hommes si vous laissez passer la chance d'être aimée...

    De vivre solitaire, Anne-lise n'a plus envie; mais ne sait pas comment rompre sa solitude. Elle sent fuir de son corps tout ce qui fait la vie, s'enfonçant, peu à peu, dans sa décrépitude. Le miroir qui reflète son mince corps de liane, lui dit que c'est finit. Que trop vite il se fane et qu'elle ne sera plus celle qui fait rêver! Et qu'il n'y aura plus de beaux jours pour aimer...

    Aucun prince charmant sur son beau destrier n'est venu l'arracher à sa morne existence. Et il lui faut subir l'outrage des années sans être accompagnée d'une tendre présence. Elle cherche à s'occuper par une broderie; mais ses mains tremblantes refusent tout effort: comme si, dans leurs veines, se distillait la mort pourtant, pourtant elles étaient longues ses mains: douces et graciles!…

    Cette maison où dorment des souvenirs heureux la rend mélancolique, embuant ses yeux bleus. Sa raison la tourmente l'empêchant de lutter et elle voudrait mourir, en finir, s'en aller...

    La pluie, cette ennuyeuse, s'est mise à tomber: c'est l'intruse qui tape aux vitres du salon et l'âme d’Anne-Lise se met à l'unisson de la nature qui pleure sans jamais s'arrêter. Anne-Lise n'a plus la force de faire face aux jours qui se succèdent aussi vides que sa vie. Elle n'a plus envie de continuer ainsi. Elle se sens tellement transparente et inutile, qu'elle a l'impression de disparaître là ou elle était jadis le centre d'attention des jeunes hommes de son âge. Les jeunes filles, à l'époque de sa jeunesse, lui en voulaient d'être si coquette, si courtisée, si jolie. Que tout ceci est bien loin!...

    Il serait tant de partir; de s'en aller en silence; mais sa vie semble tenace!
    Quand donc viendra le jour où, enfin délivrée, elle pourra, sans regret déposer son fardeau de craintes, de douleurs et de longs, longs sanglots: offrande douce amère d'une vie sans intérêt.

    Au loin, teinte une cloche: c'est l'angélus qui sonne. Elle regarde sa montre: vestige de sa jeunesse passée... Difficilement la vieille fille émerge de sa mélancolie. Il est indécent de ressasser des regrets bien inutiles! La seule façon, pour elle, d'assumer sa vie, c'est de s'abandonner à un dieu qui pardonne et qui seul peut combler son existence usée. Si elle est vieille fille, si elle n'est pas mariée, c'est qu'elle n'a pas su conduire sa destinée, que Dieu l'a voulu et ainsi décidé. Les voix de son seigneur sont bien impénétrables: invisibles pour elle comme pour ses semblables. Il faut bien rétablir un peu l’ordre des choses! Que peut-elle espérer? A quoi bon s'obstiner quand la stérilité de sa vie lui fait face! Anne-lise comprend qu'il lui faut accepter ce que la providence daigne lui accorder. Elle se dit que bientôt, pour un très long voyage, elle prendra son billet sans espoir de retour. Pas besoin de bagages! Juste un petit regret de mourir demoiselle. Juste ce petit regret d'avoir été coquette, d'avoir "loupé le coche" lorsque des prétendants toquaient tous à son cœur. Et qu'elle s'en amusait sans penser aux lendemains qui, se succédant bien trop vite, ont fait de son avenir, à venir, et sans qu'elle s'en aperçoive, bien trop vite, conjugué au passé... Il lui reste un regret, juste un petit regret : celui d'avoir, tout au long de sa vie, dédaigné les soupirants et restée bien trop sage en attendant l'élu qui n'est jamais venu. 

    Anne-Lise

    La vielle fille - fiction 

    N. GHIS. / La main et la plume 1947 

    Texte écrit en 1985

    Anne-Lise 


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    Le vieil arbre et Florella la petite fée   

    Le vieux chêne et Florella la petite fée

      

    C'est le genre d'histoire que l'on racontait à la veillée

    aux petits enfants, bouche Bée, devant une grande cheminée allumée

    ou l'on buvait une boisson bien chaude comme le cidre chaud,

    et ou l'on croquait des châtaignes grillés.

    Cela s'appelle encore : " La bolée Normande "

     pour ceux et celles qui connaissent.

    Les grands enfants peuvent aussi rêver en lisant ce conte...

     

    Le vieux chêne et Florella la petite fée

     

    Le vieil arbre et Florella la petite fée  

     

    Le vieux chêne et   la petite fée 



    Du haut de sa montagne, un arbre centenaire, avec sa mine altière, dominait la campagne. Il avait grandi là, sous la voûte du ciel en tirant sur ses bras pour toucher le soleil. Grand Chêne, plein de sagesse, majestueux et beau, protégeait de son aile toutes sortes d’animaux; mais, oublié des hommes, il espérait en vain pouvoir, un beau matin, abriter un gamin. Notre arbre, malheureux du manque d’amour d’autrui, Espérait en l’humain et attentait l’ami; mais il ne savait pas l’égoïsme des hommes. Perché sur sa montagne, il ignorait le monde. Pourtant, il voulait voir jouer tous les enfants. Il voulait les connaître, s’en faire des amis. Abriter les amours de jeunes adolescents. Voir pique-niquer les couples à l’ombre de ses branches, rendre service aux gens, faire de l’ombre aux petits. C’était là, tout son rêve!Pour avoir vu périr forêts entières et bois jolis aujourd’hui disparut par la faute des hommes, connaissant l’âme humaine bien plus qu’elle ne le voudrais, Florella: la petite fée qui habitait le chêne depuis bien des lustres, lui répétait sans cesse:

    - Non! Surtout, n’y va pas! Tu pourrais regretter d’avoir osé un pas! Les hommes ne pensent qu’à eux! Ils ne prennent soin de rien! Ils ne savent pas gérer notre mère la terre! Tu veux te retrouver en bûches un beau matin? Je vais y aller pour toi et au retour tout te raconter; mais fais-moi la promesse de ne pas bouger! Attends que je revienne! Ce ne sera pas long! Après, tu choisiras la meilleure solution pour te sentir pleinement heureux. Et ne sois pas grognon parce que je m’en vais seule! Avant que tu ne dégages tes racines du sol, je serai de retour et ne te cacherai rien.

    Grand chêne bougonna bien un peu: ce n’était pas l’envie qui lui manquait de soulever ses grosses racines pour descendre juste un peu plus bas afin de suivre Florella de ses nœud! Euh! Pardon! De ses yeux, voulais-je dire. Cependant, il préféra rester sage et ne bougea pas un seul petit doigt… de pied.

    Le chêne, lui, n'a qu'un seul pied, même s'il a plusieurs doigts de par ses branches, tandis que je considère ses racines comme des milliers de petits doigts... de pieds. Il fallait y penser! Soit dit en passant que c'est "une Lapalissade" que je vous décrit là!... HA!HA!HA!

    Par un beau clair de lune, pour son ami le chêne, la petite fée Florella, décida d’aller voir les gens de la vallée. Se sachant invisible, elle attendit le matin puis fit tout le village. Vît un homme qui coupait du bois pour son chauffage. A la menuiserie, elle vît des arbres entiers, pour devenir des meubles, se faire découper. Le rabot à la main, elle vît le charpentier raboter sans remord les planches d’un tronc séché, réduisant le surplus à de simples copeaux, chevilles d’assemblage, allumettes en tous genres après que les belles planches, il est vrais, eut été transformés en tables, chaises, armoires, lits, buffets, fauteuils, bancs de fermes, pupitres d’école bureau, papier et j’en oublie...

    C’est vrai qu’ils étaient beaux ainsi devenus meubles! Qu’ils étaient bien utiles transformés en feuilles de papier! Mais qu'adviendraient-ils d'eux, après? C'en était finit pour eux! Ils ne pourraient jamais plus avoir de descendance? C’était grave! Déjà la forêt se dépeuplait et mourrait doucement. La flore et la faune disparaissaient sans un bruit et l’homme fermait les yeux, préférant rester dans le déni complet des ravages qu'il causait. Qu’avaient été ces arbres avant leur transformation? Un frêne, un châtaigner, un peuplier, un sapin, un boulot?

    De leur beauté première, il ne restait plus rien. Sacrifiés à jamais sur l’autel du progrès, la forêt s’en allait en feu de cheminée, se transformait en livres, en cahiers, en crayons, en carton en jouets, en sciure et en bois de charpente sans que l’on n’y puisse rien. Le bois était partout: mais là où il devait être, il n’y avait plus que des terrains dénudés.

    Florella était tout à fait consciente des besoins des humains; mais ce qu’elle leurs reprochait, c’était de ne pas songer au reboisement, de façon à toujours sauvegarder tous les endroits boisés pour leur survie car les arbres étaient bien plus utiles au monde, plantés, plutôt que de finir par ne plus exister et entraîner ainsi catastrophes sur catastrophes et nous savons tous de quoi je parle! Ce conte n’est là que pour faire prendre conscience de ce que nous infligeons à notre terre! Un sujet parmi tant d’autres à aborder pour notre propre survie, ne serait-ce que pour limiter la pollution, les gaz à effets de serre. Il ne faut pas oublier que les arbres absorbent notre surplus de gaz carbonique et nous fournissent en oxygène! Si nous supprimons trop d’arbres! Nous ne pourrons plus respirer! Il ne faut pas penser qu’au moment présent! Il faut aussi œuvrer pour l'avenir de nos enfants et nos petits enfants; mais pour cela, il faudrait que les mentalités changent! Ca commence et pour que vraiment les mentalités changent, il y a encore du boulot surtout les lobbyings! Ils se fichent complètement de la planète du moment que tout ce qui est monnayable rapporte!...

    Mais revenons en à nos moutons. Euh! pardon: à notre arbre qui voulait connaître les hommes. Donc, nous n’étions pas loin des fêtes de fin d’année. La neige avait recouvert prés, chemins, toits de maisons et collines. Tout était blanc. Les luges et les bonshommes de neige surgissaient de partout.

    Les enfants, insouciants et heureux, se lançaient des boules de neige pendant que les parents se préparaient au plus grand événement de l’année. Les maîtresses de maison allaient avec leurs grandes filles faire des courses pour les préparatifs de Noël. Les pères, suivit par leurs grands fils accompagnés, bien souvent, des grands pères, allaient dans les bois avoisinants pour découvrir la perle rare: le plus beau et le plus grand des sapins qui ferait la fierté de leur maison. Tout ce beau monde partait à la recherche de l’arbre tant convoité qu’ils pourraient trouver à exposer, pas trop prés de la cheminée pour qu’il ne prenne pas feu et qu’il ne perde pas ses épines trop tôt, comme l’exigeait la tradition, la hache sur l’épaule pour les anciens et pour les jeunes gens plein de fougue et de force, la tronçonneuse devenu l’outil indispensable et de rigueur pour ne pas trop se fatiguer.

    Les tronçonneuses faisaient l’objet de toutes les convoitises de la part de ceux qui n’en n’avaient pas. Qu’importe! Les jeunes s’aidaient entre eux et ils s’amusaient bien de regarder faire les anciens s’échinés et se démener de façon à venir à bout de la coupe du sapin choisit. En fin d’après midi, Chacun revenaient à pieds ou en voiture équipées de pneus neige, arborant avec fierté leur magnifique trouvaille.

    Par le comportement tout à fait démesuré en cette préparation de fête, à n'en pas douter une seconde, Florella constatait que les humains aimaient le sapin au point d'en vouloir un tous les ans chez eux pour les fêtes de Noël. Ils aimaient cet arbre parce qu'il restait vert toute l'année et qu'il avait une odeur particulière de résine très agréable. De plus, il était très facile à décorer, ce qui lui donnait un air majestueux et royale. Lorsqu'il était paré de ses plus belles décorations, les enfant en prenait plein leurs yeux et les adultes aussi. Le sapin symbolisait vraiment bien cette fête de Noël. C'était des atouts non négligeables! Mais à y regarder de plus prêt, cela ne lui était pas bénéfique et le menait tout droit à sa perte. Grâce à ses qualités, il était l'arbre le plus prisé pour les fêtes de fin d'année. Le sapin devenait, par excellence, le centre d'attraction de chaque foyer. Pendant les quinze jours de réjouissances que représentait Noël et jour de l'an, il était honoré dans toutes les maisons. Il est vrai que pour les jours les plus importants de l'année, c'était bien un beau sapin qu'il fallait chez sois! Un bien beau sapin fraîchement coupé le 24 décembre comme le voulais la tradition, fleurant bon la résine qui révélait, à elle seule, par son odeur incomparable, la période de l'avant et permettait aux enfants, après la messe de minuit d'attendre le réveillon et de rêver au passage du Père Noël par les trous de cheminée... Mais au fait? Comment faisait-il lorsque les cheminée étaient allumées? Et bien! C'est tout simple: il ramassait de la neige sur le toit qui en était recouvert d'une épaisse couche et il en lâchait de grosses poignées jusqu'à ce que le feu s'éteigne. Le père Noël, était malin et c'est pour cela que le matin, en venant découvrir vos cadeaux, vous trouviez toujours le feu de cheminée éteint. Aujourd'hui, dans les maisons qui possèdent une cheminée, le Père Noël agit toujours de même; mais pour les appartements modernes, il vaut mieux penser à laisser la porte fenêtre du balcon entrebâillée légèrement de façon à lui faciliter la tâche! Si il vous venait d'oublier la porte fenêtre du balcon, Père Noël avait un passe partout universel et cela lui facilitait bien la tâche!...

    Noël! Le grand moment magique pour les enfants! Le mystère du Père Noël entrant dans les maisons par les cheminées, pour déposer les cadeaux au pied du magnifique sapin enluminé.

    - « Chers parents, vous savez de quoi il en retourne concernant le papa noël. Mais jouons le jeu jusqu’au bout. Nos petits sont si heureux lorsque le Père Noël passe par la cheminée ou la porte fenêtre du balcon que nous avons pris soin de laisser entre baillée pour lui".

    Permettez que je referme la parenthèse pour continuer mon histoire? En plus, on commence à se geler avec cette porte fenêtre ouverte! la chaleur s'en va! Fermez vite: J'ai froid, moi!...

    Donc, les familles, en ces fêtes qui arrivaient à grands pas, s’affairaient autour des fourneaux et pendant que les dames se préoccupaient de ne rien oublier en ces circonstances particulières, les messieurs et leurs enfants décoraient la maison, après le sapin qui passait, bien sûr, en premier. Ca se chamaillait pour savoir qui allait mettre l’étoile du berger tout en haut, à la cime de l’arbre. L’effervescence était à son comble! Les maisons étaient décorées à l'intérieure comme à l'extérieur les bout de jardins de chacun et tous les villageois faisaient leur tour pour admirer les décorations par les fenêtres du salon de chaque maison, le beau sapin enrubanné et tout illuminé. Quel spectacle pour les yeux! Une seule ombre au tableau pour la petite fée du chêne: la destruction de la forêt de sapin...

    Ah! Ces humains! S’écria Florella en colère. Ils n’ont pas conscience du mal qu’il vont causer à la longue par le simple fait de choisir tous les ans, un sapin, de lui supprimer la vie pour le plaisir et la fierté de l’exposer dans leur salon, devant la famille et les amis, pendant un laps de temps ne dépassant pas deux à trois semaines et quelques fois moins au regard des mois et des années qu’il aurait fallu à cet arbre pour devenir adulte. Pour les humains, un noël sans sapin n’était pas concevable! Florella, toujours invisible, comptabilisait toutes ces allées et venues frénétiques d’un œil réprobateur et n’en perdait pas une miette. Des sapins coupés, il y en avait tellement, qu’elle en avait perdu le fil! A travers les fenêtres des maisons, rien ne lui échappait: les guirlandes lumineuses, les guirlandes scintillantes, les boules jaune, vertes, rouges, bleues, blanches, dorées ou argentées, la neige artificielles sans oublier le papier rocher pour installer la crèche et les santons: tout était fin prêt pour recevoir le petit Jésus la nuit de la nativité. Ne voulant rien manquer des coutumes des hommes, Florella écarquillait ses yeux émerveillés par la beauté du spectacle et furieuse à la foi de constater ce beau gâchis concernant ses amis les sapins. Bien sûr que l’effet rendu était magnifique! Bien sûr que le roi des forêts était honoré! Tout ça, c’était très bien! Mais qu’allait-il advenir ce roi des forêts après la fête? Sans ses épines qui immanquablement se déshydrateraient et tomberaient à cause de la chaleur des maisons, il se déplumerait et se retrouverait comme un vulgaire poulet prêt à rôtir sauf, que lui ne serait pas rôti; mais brûlé quand on ne le retrouverait pas jeté dehors n’importe où: à la poubelle pour ceux qui n’avaient pas de cheminée ou abandonné lâchement sur les trottoirs et les chemins de terre qui avaient échappés encore à l'urbanisation: "ni vu ni connu, je t’embrouille"!…

    Ces jeunes sapins aux branches encore tendres qui, jadis se dressaient fièrement, armées de leurs épineuses d’un beau verts encore clair, ces mêmes jeunes sapins n’avaient plus que des branches mortes qui ne constituaient que l’armature d’un squelette d’arbre tout rabougrit, seule victime muette, dépouillée de sa magnificence originelle. Florella ne pu s’empêcher de se projeter de quelques centaines d’années en avant et ce qu’elle découvrit lui fît froid dans le dos: la planète était pratiquement devenue un désert là où avant il n’y avait que bois, prairies verdoyantes, rivières lacs et forêts, il n'y avait plus que du béton: tout n'était plus que routes et gratte-ciel. Les espaces verts si nécessaires à la vie des humains n'existaient plus. Avec les années passants , tout avait été décimé par leurs cupidité, leur inconscience, leur irresponsabilité etc.

    En 2050, ne restait plus des rescapés de la race humaine qui se déchiraient pour un peu d’eau et par voix de conséquence, pour la nourriture, de quoi s'habiller car rien ne poussant plus, tout était caution à querelles quotidiennes. Qu’était devenue la splendeur de ces arbres ornant la montagne, les pleines, les vallées? Qu’étaient devenus ces rois de la forêt à qui on avait ôté la vie par plaisir, pur égoïsme, pour sa satisfaction personnelle et surtout par ignorance. Qu’allait-il advenir de nos belles forêts et de nos bois jolis s’il n’y avait plus d’arbres? Si la terre perdait une de ses principales sources d’oxygène: les arbres. Tous les arbres?!… La nourriture qui devenait de plus en plus rare, faute bien sûr du manque d’eau et d’insectes pour la politisation? Plus de fleurs puisque plus d’abeilles ni papillons ni oiseaux pour les butiner. Le soleil brûlait les derniers végétaux qui essayaient de s’adapter à l’aridité des sols. L’érosion était partout! Les seules personnes encore vivantes ne sortaient que la nuit à cause du soleil brûlant et chacun d’espionner l’autre pour en tirer profit. Pour survivre, Les hommes allaient même jusqu’à s’entre-tuer. La planète était devenu un enfer.

    - C’est bien ce que je pensais! Se dit elle tout haut. En l’année 2010 qui va commencer, il faudrait songer à faire des efforts et devenir raisonnable! Il ne reste guère de temps pour faire marche arrière et renverser la vapeur! (clin d’œil). A ce train là, notre forêt et toutes les forêts du monde ne tiendront pas longtemps et nous non plus! Peut-être encore une trentaine d’années et ce sera le commencement de la fin! Le compte à rebours a déjà commencé… Elle en avait assez vu. Il fallait repartir et affronter son époque qui, somme toute, n’étaient pas encore si mal par rapport à ce à quoi elle venait d'assister!…

    Après bien des tourments et mûres réflexions, Florella prit une résolution: il fallait, sans tarder, trouver une solution pour protéger son arbre de la destruction. Il n’était pas souhaitable pour son ami le chêne qu’il quitte sa montagne pour vivre auprès des hommes. Il serait bien vite coupé pour prendre d’autres formes sans même qu’on se soucia s’il souffrait car, à part les petits être des bois et des forêts, nul ne pouvait entendre les plaintes des arbres en souffrance, toutes catégories confondues.

    L’homme se voulait juste. L’homme se voulait bon; mais il allait à sa propre extinction en détruisant tout sur son passage. Sans bien se rendre compte des ravages qu’il causait, tout en creusant sa tombe, sans cesse il avançait. Il avançait pour qui? Il avançait pour quoi? Pour son propre intérêt? Pour produire plus encore et faire plus de profit? Pour se remplir les poches de beaux billets tout neufs fait de papier dont plus personne ne peut en ignorer la provenance à l’heure d’aujourd’hui!…

    Tout en s’apitoyant, se désolant quant au futur du globe terrestre et de ses quelques survivants, la petite fée du chêne, constata par elle-même ce qu’elle soupçonnait déjà depuis longtemps. L’avenir, si l’on pouvait parler d’avenir, à l’échelle de cette vallée encore partiellement vierge, ne présageait rien de bon. Ce que les humains feraient par cupidité de la terre, n’était pas si éloigné que cela de notre époque où notre terre est encore vivable et relativement dans une santé qu’on pourrait qualifié de, comment dire? Précaire… Mais deux cents ans! Ça passe vite! Très vite!…

    D’autres hommes étaient à l’œuvre, sacrifiant des forêts entières au nom de leur propre enrichissement. Ils exploitaient sans se soucier de l’avenir du monde. Ils en avaient rien à faire! Dans deux cent ans, ils ne seraient plus là pour constater les dégâts! Autant bien vivre maintenant! Qu’est-ce qu’ils en avaient à faire des autres être vivants? Peu leurs importait la faune, la flore, leur descendance!… Parce que c’était de ça qu’il s'agissait!

    d'Après ce à quoi elle venait d’assister, elle ne se faisait pas d’illusion! Les hommes exploitaient tout et n’importe quoi jusqu’à peler la terre comme une simple orange.

    Dégoûtée, révoltée et très désappointée, la petite fée du grand chêne réintégra la chaleur du cœur de son arbre, ramenant avec elle moult renseignements, décidée à convaincre de son mieux son vieux têtu de chêne. D'abord, il rouspéta qu’elle fut si longue; mais elle lui expliqua l’affaire tout en détails. L’arbre ouvrit de grands yeux ahurit n’en croyant pas ses oreilles et ses nœuds. Florella lui proposa un marché. Voulait-il, en songe, se rendre compte, par lui-même de ce que serait la planète dans deux cents ans de là? Grand Chêne ne voulu pas connaître le déclin de la vie sur terre. Il comprit alors, que l’air qu’il respirait en haut de sa montagne, était plus saint qu’en bas, et que les bûcherons, s’ils s’en venaient par là, de leur tronçonneuse et de leur hache complice, en planches et bûches le réduirait…

    Il valait mieux pour lui, rester sur sa montagne où il vivait tranquille entouré d’animaux. Dans ses branches, les oiseaux faisaient leur nid au chaud. Au creux de ses racines se trouvaient plusieurs entrées de terriers où les petits lapins s’abritaient pour nicher. Les écureuils malins, après avoir prévu leur récolte pour l'hiver, sortaient de leur abri pour lui chaparder les glands tombés à terre bien caché sous le feuillage recouvert de neige dont il se nourrissaient abondamment. Les Biches mettaient bas et allaitaient leur fan au creux de son gros tronc, sur un lit de feuilles sèches qui servait de litière, bien en sécurité. Tout chez lui n’était que bonté. Notre chêne avait, sans nul doute, toute son utilité. Pourquoi songer à partir et s’en aller je ne sais où? Pourquoi risquer sa vie par pure curiosité? Sa décision fût prise et resta sans appel. S’il voulait profiter encore un peu de la nature telle qu’il la connaissait actuellement? S’il voulait que sa vie se termine naturellement avant le grand chambardement causé par l'irresponsabilité des hommes. Il fallait qu’il trouve un stratagème pour échapper à ce qui attendait tous ses frères arbres. Il demanda aux fées, aux lutins, aux gnomes, aux farfadets, de faire tout leur possible pour dissimuler ce coin de montagne et sauver quelques uns de ses frères:

    - Rendez nous invisibles au regard des hommes venus pour nous détruire! Supplia le vieux chêne. Laissez le champs libre aux amoureux et à ceux qui aiment la nature! Je vous promets de vous protéger le restant de mes jours et tout ce coin de montage ne sera pas touché. Paix à mes frères les arbres qui vont se trouver dans ce périmètre invisible aux gens de mauvaises intentions! Moi, Grand Chêne, resterait ici car là est ma place. Je veux être leur refuge, leur ami, pourvu que le seigneur longtemps me prête vie, puisque j'ai enfin compris que ma place était là: moi, l'arbre solitaire! Votre grand chêne aux milles bras.

     

    N. Ghis.

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    Conte écris en 2004 . 

    Le vieux chêne et Florella la petite fée  


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