• Seul noël d'enfant -1-

      

     

    Mon seul noël d'enfant 

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    Première partie

     

    Je ne veux me souvenir que des meilleurs moments de tendresse et de complicité que j'ai connu avec mon père. Mes souvenirs remontent loin dans ma petite enfance et je peux vous assurer qu'entre quatre et cinq ans, on se souviens très nettement des scènes de violences qui duraient souvent jusqu'à ce que nous arrivions à nous enfuir de la maison ou bien, appeler "Police secours" quand ce n'était pas le voisinage qui s'en chargeait pour nous...

    Il y a eu des moments d'accalmie et ces moments là, auprès de mes parents qui, pour une fois, étaient calmes, n'étaient pas si nombreux. Je n'en connaissais pas les raisons; mais pourtant, ils étaient si précieux à mon cœur de petite fille! Ils n'étaient pas coutumiers car papa n'était pas démonstratif. A présent, je sais que mon père m'aimait à sa façon; mais à l'époque, il me faisait peur avec ses crises de démence dû à une alcoolisation trop forte et cela arrivait très souvent. Mon père rentrait pratiquement chaque soir ivre mort à la maison. Paradoxalement, il ne m'a jamais battu. Il ne s'en prenait qu'à ma mère qui ne l'aimait pas et qui ne voulait pas, comme ça se faisait à l'époque, être soumise à son mari et bien obéissante, d'où les prises de becs incessantes entre mon père et elle concernant son insoumission flagrante. Ma mère était réfractaire à tout ce qui touchait à sa condition de femme non émancipée. Elle jugeait être un droit que d'avoir les mêmes prérogatives qu'un homme (et elle n'avait pas tord), considérait les femmes de sont époque comme des serpillières sur lesquelles on s'essuyait les pieds. Elle détestait la condition féminine qui contrastait par rapport à l'autorité des hommes sur les femmes. Par principe maman se rebellait contre toutes supériorité des hommes qu'ils croyaient acquise à jamais et la  contestait de toutes les manières possibles,: ce qui lui valait la foudre de mon père qui ne savait pas venir à bout de sa résistance. Par la suite, bien des années plus tard, l'histoire en marche révélera que leurs prérogatives de mâles ne cessèrent de diminuer: surtout après la deuxième guerre mondiale.

    Ma mère était en avance sur son époque. Elle ne supportait pas le joug masculin! D'ailleurs, elle ne supportait pas, non plus, son beau-père, pas plus que sa mère qui faisait des différences entre ses enfants. Elle était, je crois, la troisième de six filles et un garçon. Je su, par la suite, en étant plus grande, pourquoi ma mère était le vilain petit canard de la famille...

    Conforme aux idées véhiculées par maman, je n'aimais pas ma grand-mère maternelle, pas plus que je n'aimais mon grand père maternel qui était un homme passif, moue et incapable de résister à sa femme: une personne autoritaire et méchante. Du côté de papa, son père était un rustre paysan qui cultivait la méchanceté. Il régentait tous ceux qui se trouvaient être sous ses ordres: les commis de ferme, les lavandières, les domestiques autant que sa femme. Nul ne devait répliquer lorsqu'il donnait un ordre et dans les dépendances, on entendait une mouche voler lorsqu'il était absent pour aller vendre quelques lapins et volailles au marché du village. Par la suite, mon grand-père paternel, avait vendu ses terres pour acheter un petit garage de réparation en banlieue parisienne parce qu'en France, les premières automobiles d’après guerre avaient fait leur apparition. En ces années d'après guerre, bien que trop jeune pour tout comprendre, je savais que mon grand-père paternel s'était construit une jolie petite fortune grâce au marché noir parce que maman me l'avait dit. Je me rendais compte aujourd'hui qu'il avait su s'y prendre le bougre pour faire des affaires!... Jamais il ne s'était fait prendre et le magot amassé était, paraît t-il juteux...

    Madame de Laplace, fine mouche et maîtresse-femme, sentait l'avenir de l'automobile prometteuse. Elle décréta que la mécanique avait du potentiel. Tout le monde voulait son automobile elle était en pleine essor la petite citadine! Ça devenait un signe extérieur de richesse pour les uns, alors que pour les autres, le manque de moyens devenait source de jalousie. Il ne faut pas oublier que nous étions en 1953. J'avais six ans et si pour les uns la vie était belle, pour les autres c'était la misère. Ma grand-mère désirait briller avec son nouveau magasin et voulait à tout prix avoir sa voiture et pour se faire, elle força mon grand père à apprendre à conduire. Il se soumit de bonne grâce. D'ailleurs, il n'avait pas le choix...

    Petite fille, je considérais que nous étions dans la catégorie des gens catalogués comme pauvres. Il n'y avait jamais eu de beau noël chez nous. Ce n'était pas parce que mes parents ne pouvaient pas le fêter! Non! La faute en incombait à leurs continuelles disputes. Toujours en train de se déchirer sans se soucier de l'image qu'ils imprimaient dans la mémoire et le cœur de leur petite fille. Ils se souciaient guère de respecter la tradition de noël et se souciaient encore moins de moi, toujours réfugiée sous la table de la cuisine, là ou je me sentait le plus en sécurité lorsque ça tournait mal. Pourquoi la table de la cuisine? Parce que dans la cuisine, il y faisait chaud et que de là où je me trouvais, je voyais tout ce qui se passait dans la maison entre mon père et ma mère. Il arrivait bien souvent que, les fins de semaines, lorsque mon père rentrait de son travail avec sa paie en poche complètement ivre, hors de lui: état consécutivement dû à l'alcool qu'il avait ingurgité tout au long de la journée avec ses copains de beuverie, que nous soyons, maman et moi, transit de peur.

    Ces fins de semaine, maman qui avait prit l'habitude des entrées fracassantes de mon ivrogne de père, prévoyait toujours le coup et me préparait psychologiquement à cet état de fait de façon à ce que je comprenne que nous allions, sans doute, aller dormir toutes les deux dans la cave de l'immeuble que par prudence, elle avait aménagée en un sommaire petit refuge pour échapper à sa folie destructrice.

    Sur la terre battue, elle avait disposé un vieux tapis mité sur lequel elle s'était aménagé un matelas de son d'une place dégoté on ne sais ou et une grande malle en osier agrémentée d'une petite paillasse en crin de cheval sur laquelle je reposais les soirs ou la maison devenait malsaine pour nous deux. La literie était sommaire et consistait en un petit traversin pour maman, un petit coussin en guise d'oreiller pour moi et de deux couvertures dont une plus petite pour la malle. Maman avait aussi pris soin de ne pas plaquer la malle contre le mur. De cette façon, le couvercle me protégeait du salpêtre qui suintait ce qui était très malsain.

    Maman était débrouillarde et n'avait pas omis de se prémunir d'une lampe à pétrole et aussi d'allumettes ainsi que de bougies. Lorsque les minuteries s'étaient éteintes, nous attendions quelques secondes qui se changeaient souvent en minutes afin de pouvoir faire un peu de lumière. La peur nous tenaillait le ventre et pour contenir notre angoisse, maman me prenait contre elle sur le matelas de crin, à même la terre battue ou le vieux tapis, qui nous isolait bien piètrement du sol, faisait office de protection contre cette humidité latente qui nous maintenait dans une fraîcheur constante et malsaine. Maman essayait bien de luter avec ses faibles moyens en nous confectionnant avec des briques rouge des chaufferettes que l'on entourait de papier journal puis de chiffons pour que celle-ci conservent la chaleur le plus longtemps possible. Maman passait ces bouillottes d'infortune dans ce qui me servait de petit lit et ensuite, elle en faisait autant dans le sien. Pendant quelque temps, nous avions l'illusion d'avoir chaud...

    En ces temps reculés, les éclairages des cages d'escaliers étaient encore pourvus de minuteries. Dans un sens, c'était pratique pour nous, car nous entendions les locataires entrer et sortir du 48 de la rue Mirabeau ou nous habitions. Nous avions un rez de chaussée de deux pièces cuisine dont l'une des fenêtres donnait sur le trottoir côté rue (ce qui nous fut bien utile plus tard lorsqu'il fallut justement s’enfuir par la fenêtre de ce qui servait de salle à manger. Il n'était pas facile de demander de l'aide. Nous ne pouvions pas toujours appeler "Police secours". Il fallait se débrouiller seules et comme nous le pouvions pour échapper à la fureur destructrice de mon père lorsqu'il était en état de démence plus qu'alcoolisée...

    Maman qui était toujours pleine de ressources, avait trouvé un moyen radical pour lui échapper. Elle avait commencé par subtiliser (ne me demandez pas comment) la clef de l'appartement afin de la faire dupliquer. Nous avions tellement peur que mon père ne découvre notre cachette, que nous guettions tous les bruits de l'immeuble: ce qui veut dire que nous ne dormions que d'un œil, la peur au ventre. Je finissais pas sombrer de fatigue dans un sommeil agité jusqu'au petit matin. Les nuits étaient longues, humides et mouvementées: nous nous retournions sur nos couchettes au moindre bruit tellement notre sommeil était léger. Je savais (pour me l'avoir confié) que maman dormait très peu, écoutant tous les tours de clefs émanant de chaque serrures de tel ou tel appartement que les locataires occupaient. Par la force de l'habitude, elle connaissait toutes les heures ou les ouvriers partaient pour leur travail.

    Comme du rez-de-chaussée à notre cave on entendait tout les bruits, maman savait quand papa partait travailler pour la journée. Nous attendions quelques instants: le temps d'un oubli de sa part, avant de remonter sans un bruit de notre cachette (qu'il n'a d'ailleurs jamais trouvé), pour pouvoir enfin petit déjeuner car j'avais très faim, faire notre toilette et me préparer pour l'école. Maman était coiffeuse et elle se devait d'être à l'heure sans rien laisser paraître de sa fatigue de la veille. J'avais appris très vite à me débrouiller seule pour me laver, m'habiller et me chausser. Maman me donnait juste un coup de peigne et m'attachait des noeux dans mes cheveux pour être plus jolie. Pendant je je faisais tout ça toute seule, elle se préparait pour être à l'heure à son travail. Elle m'avait fait promettre de garder le secret pour son emploi: je ne devais rien dire sous peine de nous retrouver: surtout elle, sous les coups de mon père. Elle m'avait expliqué qu'elle voulait que par la suite, nous partions toutes les deux de cette appartement sans que mon père ne sache jamais ou nous aurions pu partir. Je tenais donc ma promesse ayant trop peur de mon père et de ce qu'il pourrait faire à maman.

    Pour en revenir à ma place sous la table de la cuisine, J'avais pris cette habitude tous les jours à partir de dix huit heure: heure à laquelle mon père rentrait de l'usine. Je ne savais pas encore lire l'heure; mais j'avais un point de repaire bien à moi: si les deux aiguilles ne faisaient plus qu'un trait verticale, c'est qu'il était six heure pour moi(dix huit heure). Je me cachais sous cette table de cuisine parce que la pendule était juste au dessus et que de là, je voyais la porte d'entrée par ou arrivait mon père du travail.

    Tout en ne sachant pas l'heure, je connaissais la position des aiguilles et lorsque la petite aiguille se trouvait être placée droite sur le chiffre du bas de l'horloge et la grande aiguille positionnée tout en haut, formant ainsi un trait bien droit, ma mère ne m'avais plus entre les jambes: j'étais bien à l'abri sous la table de la cuisine. Du moins, je le croyais... Tant que le temps était à l'orage entre mes parents, je ne sortais pas de dessous cette table. Je connaissais que trop bien la physionomie changeante de mon père lorsqu'il ne rentrait pas du travail à jeun. Maman faisait semblant de ne pas remarquer ce qui la préoccupait et qui lui faisait aussi peur qu'à moi...

    Elle ne voulait plus de cette vie angoissante et je le savais! Pas besoin de me l'expliquer car même si j'aimais mon père, j'aurais voulu être bien loin de lui lorsqu'il piquait ses crises de delirium tremens! Cela finissait par l'arrivée du panier à salade (Police Secours). Là, les policiers embarquaient mon père qui faisait souvent des séjours à l'hôpital de Charenton : un hôpital psychiatrique ou l'on essayait de le désintoxiquer afin qu'il reprenne une vie normale; mais chaque fois, c'était la même chose. Il recommençait à boire et à être violent. Pour notre sécurité, il fallait qu'il s'en aille et maman m'avait fait comprendre selon ce que mon âge pouvait endurer et assimiler correctement, pourquoi papa s'en allait avec les policiers et pourquoi il ne revenait plus pendant un certain temps.

    Ces moments à deux, nous les vivions heureuses et dans la sérénité. J'adorai ma mère et je ne voyais que par elle. Nous nous réconfortions l'une l'autre et elle me gâtait selon ses moyens de maman n'ayant pas la possibilité d'en faire plus et pour cause: elle économisait pour que l'on puisse se sauver définitivement de cet endroit ou nous n'aimions pas vivre.

    Le temps passait et noël approchait. Papa n'était toujours pas revenu de sa cure de désintoxication pourtant, ce ne devait pas être un jour comme les autres. Pour tous les enfants de mon quartier, sauf pour moi, noël était une grande fête! A la maison, il n'y avait jamais de fête et je n'attendais rien du père noël! Je ne pensais surtout pas à ce qui allait m'arriver ce 24 décembre 1953.

    Cette fameuse fin d’après-midi, Maman vînt me chercher à l'école alors qu'à l'ordinaire c'était une voisine qui, de bonne volonté, me ramenait en même temps que son fils et qui me donnait le goûter que maman avait préparé. Quelle ne fus pas ma surprise lorsque je me retrouvais dans la salle à manger. Pétrifiée, je ne bougeais pas. Maman me fit enlever mon manteau qu'elle accrocha dans le vestibule et me fit poser mon cartable en carton mâché sur le seul fauteuil "Club" usagé de papa qui se trouvait être prêt de la porte de leur chambre à coucher ou je dormais également lorsque tout semblait être au beau fixe (et je peux vous dire que cela n'arrivait pas souvent).

    Ce qui avait attiré toute mon attention d'enfant, c'était un très grand arbre qui trônait là, prêt de la cheminée qui n'avait jamais faire vivre un bon feu de bois. Que faisait cet arbre chez nous?... A quoi pouvait t-il bien servir?... Perplexe, je regardais maman qui, pour la première fois, entreprenait de décorer un grand arbre de noël que je ne connaissait que par l'intermédiaire de l'école ou j'en avais déjà vu plusieurs chaque fin d'année en période de fêtes. Pourquoi un sapin trônait à la maison cette année?...

    Pour la circonstance, j'avais changé d'abri pour mieux voir. La table de la salle à manger faisait très bien l'affaire et tout en mangeant ma tartine de pain et ma barre de chocolat noir, J'observais les moindres gestes de maman. Cet arbre, d'abord tout nu, paré seulement de ses aiguilles vertes, m'intriguait fortement. C'était à un point tel que je refusais catégoriquement de sortir de dessous la table.

    Je n'assistais jamais aux fêtes de noël de l'école. Tous les enfants étaient joyeux; mais pas moi. Je ne voulais pas regarder la joie des autres: ça me faisait trop mal puisque chez moi, il ne se passait jamais rien: le Père noël ne connaissait pas le chemin de notre maison qui ne dégageait que tristesse et morosité: les cheminées des immeubles fumait dégageant une bonne odeur de feu de bois à l'allumage pour ensuite dégager une chaleur que j'imaginai plutôt que je ne la sentais grâce aux locataires qui avaient pris l'initiative de les allumer lorsque la leur fonctionnait. Ô ! Il y avait bien un feu chez nous; mais pas dans la cheminée: elle était condamnée par le propriétaire. Nous ne devions pas nous en servir pourtant, j'aurais bien aimé voir un bon feu dans la cheminée! Peut-être que le père noël serait passé par le conduit de notre cheminée s'il avait remarqué de la fumée chez nous? (idée et raisonnement d'enfant bien sûr)!

    Je ne recevais jamais de cadeau de noël. Chez nous, c'était un jour ordinaire sans aucune fête. Pourquoi, justement, ce jour que tout le monde attendait avec impatience? Pourquoi ce jour se trouvait t-il être le jour où ma mère avaient, elle aussi, décidé de faire un arbre comme à la salle des fête de l'école? Qu'est-ce qu'il y avait dans l'air qui se préparait de pas normal?...

    A suivre...

     

    zephyra (site web) Le 18/02/2011

    Bonsoir,


    Je viens de lire votre histoire du plus beau jour de votre jeune vie: la veille de noël. Très beau récit émouvant! Cela me renvoie à mon jeune âge. J'ai à peu près le votre maintenant. J'ai connu cette situation également et j'en étais terrorisée... Je vous remercie d'oser parler de votre petite enfance: ça fait du bien de voir que nous sommes beaucoup de personnes à crier notre souffrance avec vos mots! Amicalement, Zéphyra.

     

     
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  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Novembre 2016 à 13:42

    quelle triste histoire !!!!

    avoir de beaux souvenirs d'enfances est tres important pour notre vie future

    ça nous permets de nous construire.

    bon dimanche 

    bisous

      • Dimanche 20 Novembre 2016 à 14:10

        Encore merci de m'avoir lu. Vraiment! J'espère que ça t'a plu car il y a encore deux pages je que vais installer demain. amicalement, Ghis.

    2
    Lundi 25 Septembre 2017 à 17:55

    Quelle triste vie était la tienne et celle de ta mère... Mon grand père était lui aussi alcoolique, et je sais que ma mère en a fortement souffert... Comment peut il en être autrement. Merci pour ce partage émouvant. FAUSTINE

      • Dimanche 8 Novembre 2020 à 09:58

        C'est ce qui permet de permettre à sa mère d'avoir des circonstances atténuantes

        pour les souffrances qu'elle nous à imposé en tant qu'enfant,

        quand après, elle fait tout pour effacer les malheurs ;

        mais quand elle rajoute des moments tristes, des souffrances en se conduisant mal

        et qu'elle fait passer ses priorités avant sa fille, alors...

        La petite fille devenue grande, en veut à sa mère.

        Quand la petite fille est devenue, ensuite, une femme et pas grâce à elle,

        elle lui en veux terriblement.

        C'est cette colère qui lui permet de survivre et de trouver un sens à sa vie.

        Aujourd'hui, elle ne m'est plus qu'indifférente...

         Merci Faustine.

        Bon dimanche à toi. Ghis.

         

         

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